Nous sommes le seize octobre.
Il y a quarante ans, jour pour jour, un petit enfant prénommé Grégory perdait la vie, assassiné par une haine aussi noire que futile. Ce petit garçon, plein de vie, joueur et intelligent, aurait quarante-quatre ans à ce jour. Quelle serait sa vie, aujourd'hui ? Quel métier aurait-il choisi ? Se serait-il marié ? Aurait-il eu des enfants ? Quelles auraient été ses passions ?
Il n'y a sans doute rien de plus triste au monde que la mort d'un enfant, pour la simple et bonne raison qu'elle le prive de vivre sa vie en devenir. Un adulte a déjà fait un bout de chemin et a profité de ce que le monde peut offrir. Un enfant n'est qu'au début de son chemin, à l'image des chemins de forêt qu'il aimait emprunter, assis sur la moto de son père qu'il aimait tant et qu'il appelait affectueusement
Nounours.
D'autre part, la tristesse des parents ne peut tout simplement pas être comprise, ni même imaginée, tant qu'on ne l'a pas vécue soi-même. Comment imaginer la perte de son enfant ? Comment imaginer la vie d'après ? Comment imaginer trouver le sommeil après un tel drame ? Comment imaginer reprendre le cours de sa vie... Comment imaginer la vie tout court.
Grégory est mort il y a quarante ans, et, quatre décennies plus tard, le mystère reste non pas entier, mais demeure. C'est l'une des raisons pour laquelle l'affaire fait encore couler tant d'encre. Mais des mystères, il y en a tant d'autres. Des enfants perdent la vie chaque jour. Alors pourquoi cette affaire reste-t-elle encore aujourd'hui l'une des plus documentées ? Pourquoi intéresse-t-elle tant ? La réponse est simple : les circonstances.
Tout d'abord, il y a le Corbeau, cet oiseau de malheur à la voix multiple, qui terrorise la famille Villemin durant plusieurs années. Il y a les photos de l'enfant, puis les photos du jour du drame. Il y a la part de mystère. L'affaire est un drame Shakespearien qui connaît une série de rebondissements dont seule la vraie vie peut l'imaginer. Si un romancier avait imaginé une telle histoire, les lecteurs lui auraient dit : vous allez trop loin, vous tirez trop de ficelles.
L'affaire Grégory prend sa source avant la seconde guerre mondiale et continue dans un flot ininterrompu, à l'image des flots de la Vologne, témoin d'une affaire dont le ruissellement semble ne jamais se tarir.
Les protagonistes de l'affaire sont devenus, dans l'inconscient collectif, des personnages d'un drame qui se joue encore aujourd'hui. Mais n'oublions jamais que ces protagonistes sont fait de chair et d'os. Et n'oublions pas leur douleur. Personne ne peut se mettre dans la peau des époux Villemin, qui vivaient une vie paisible et qui se retrouvèrent chacun derrière les barreaux et dont les années 80 semblèrent sans nul doute un puit sans fond.
À travers sa dramaturgie paroxystique, l'affaire Grégory révèle le meilleur et le pire de la race humaine, entre l'indécence de certains journalistes, la haine du ou des criminels et l'amour inconditionnel et décuplé du couple Villemin, coûte que coûte aimant malgré les tourments des flots ininterrompus de haine à leur endroit.
L'affaire Grégory s'étale dans un nombre incalculable d'articles de presse, de livres plus ou moins honnêtes, de blogs plus ou moins documentés, de groupes sur des réseaux sociaux plus ou moins publics. Notre but est très simple : il est grand temps de proposer tous les éléments au grand jour. Nous allons répertorier chaque indice, chaque élément du dossier et, en les mettant bout à bout, espérons offrir une recherche de la vérité la plus proche possible, comme l'expliquait le colonel Étienne Sesmat sur TV5 Monde le 9 octobre 2024 :
Si on a une approche, non plus judiciaire, mais plus historienne entre guillemets, à une approche dégagée de la volonté de présenter quelqu'un devant la justice — la justice, elle a des contraintes, elle ne travaille pas n'importe comment. L'historien, lui, il prend tout ce qu'il veut, il prend tout ce qu'il peut, tout ce qui est à sa disposition. Et quand on dispose de tout, et bien on arrive peut-être à toucher cette vérité. Moi, c'est ce que j'espère (de) faire avec ces derniers pas vers la vérité. Je me dis qu'en faisant une analyse à rebours, en repartant des faits du 16 octobre — vraiment, c'est une des singularités de l'affaire Grégory — et bien on arrive à des analyses qui nous permettent de toucher cette vérité.
Tâchons de ne pas tomber dans les travers sensationnalistes des journalistes de pacotilles qui pullulèrent dans les Vosges en 1984. Sachons traiter les informations sans émotion et dans un souci unique : la recherche de la vérité. Notre approche se veut donc factuelle. Chaque information sera listée et répertoriée dans une approche historienne. Chaque mot et chaque lettre de chaque procès verbal sera relu et comparé aux documents originaux. Chaque page de chaque livre sera scrupuleusement analysée. Chaque parole de chaque protagoniste sera retranscrite.
Enfin, chaque visiteur pourra commenter chaque évènement, chaque procès verbal, chaque interview, chaque fait.
Au fur et à mesure des jours, des mois et des années, notre recherche s'approfondira et, peut-être, permettra d'approcher LA vérité qui semble échapper à la justice.
Enfin, en ce seize octobre, nous souhaitons partager une pensée pour Grégory, cet petit homme que nous n'avons pas connu et qui pourtant a une place dans nos cœurs.
